NON à l'arnaque de la LPP le 22 septembre

Pourquoi cette réforme du 2e pilier n’est pas dans l’intérêt des femmes

de Gabriela Medici, spécialiste des retraites à l’USS

Introduction

Avant le scrutin sur le relèvement de l’âge de la retraite des femmes, tout le monde avait promis aux femmes de meilleures rentes. Or cette promesse n’a pas été tenue et les femmes qui travaillent devront payer encore plus avec la réforme des rentes. Car, pour chaque franc versé à l’avenir, la garantie de rente sera inférieure à aujourd’hui. Telle est l’arnaque de la LPP !

Aucune solution n’est prévue non plus pour la reconnaissance du travail d’assistance non rémunéré. Autrement dit, la lacune de prévoyance des femmes ne sera pas comblée. L’augmentation des cotisations salariales ne fera qu’aggraver la situation de nombreuses femmes ayant un bas salaire : elles auront encore moins d’argent à disposition. Et une fois à la retraite, elles auront de toute façon besoin des prestations complémentaires (aide sociale), car leur rente ne suffira pas pour joindre les deux bouts. Les « compensations » accordées aux générations transitoires sont misérables. Cette « réforme » n’a pas non plus introduit de compensation du renchérissement. Les rentes en cours vont donc continuer de se déprécier. Les seuls gagnants sont les banques, les groupes d’assurances et les caisses de pensions, car la réforme fera affluer encore plus d’argent dans leurs caisses, et leurs gains vont donc encore augmenter.

L’arnaque de la LPP mise en place ne fera que des perdants : toutes les générations d’assuré-e-s auraient à payer plus pour toucher moins de rentes ! À la place de cet emballage trompeur, l’heure est à des améliorations rapides des rentes féminines.

Die Gründe und Argumente im Einzelnen:

Les caisses de pensions ont vu le jour pour nous permettre de maintenir à la retraite notre niveau de vie habituel. Mais cette promesse n’a jamais été respectée pour les femmes. Car la rente du 2e pilier repose toujours directement sur les rapports de travail. Or les deux tiers du temps de travail effectué par les femmes ne sont pas rémunérés. L’importance de ces activités pour le bon fonctionnement de notre société et de l’économie n’est plus à démontrer. Mais à la différence de l’AVS, le travail de care (assistance et soins) n’est pas reconnu comme tel dans le 2e pilier et ne donne donc droit à aucune compensation financière.

Toutes les études et les chiffres de la Confédération le montrent : la lacune en matière de rentes est béante. Les femmes reçoivent du 2e pilier environ deux fois moins de rente que les hommes. Cette différence de rente selon le genre – gender pension gap – est supérieure en Suisse à la moyenne européenne. Elle est surtout due aux enfants. Ainsi, l’écart de rente atteint 41,5 % entre les femmes avec enfants et les hommes avec enfants. Autrement dit, tant qu’une « réforme » de la LPP ne reconnaîtra pas le travail d’assistance accompli, le problème des rentes féminines trop basses ne sera pas résolu.

La « réforme » de la LPP est essentiellement une opération de démantèlement des rentes. Avec l’arnaque de la LPP, les nouvelles baisses de rentes pourront aller jusqu’à 3200 francs par an. Les plus de 50 ans et la classe moyenne seraient les plus touchés. Mais les très jeunes risquent aussi de voir leur rente diminuer.

Cette baisse de rente est due au taux de conversion, qui diminuerait encore plus avec cette « réforme ». Le taux de conversion détermine le montant de la rente à laquelle une personne a droit avec le capital d’épargne accumulé dans sa caisse de pensions. S’il est abaissé, les rentes baissent aussi. Or depuis dix ans, les caisses de pensions ont déjà réduit leurs taux de conversion de 20 %. Alors même que les salaires des femmes et donc leurs cotisations salariales au 2e pilier augmentent, le même capital accumulé rapporte toujours moins de rente. La réforme veut poursuivre sur cette voie : à l’avenir, la garantie de rente serait moins élevée qu’aujourd’hui par franc cotisé.

Avec la réforme, les primes perçues renchériraient de 2400 francs par an dans certains cas. Les petits revenus seraient frappés de plein fouet. Cette catégorie de la population, où les femmes sont surreprésentées, ne peut tout simplement pas se permettre des prélèvements salariaux plus élevés. Et en plus d’avoir moins d’argent pendant sa vie active, elle devrait se contenter, des dizaines d’années plus tard, d’une rente du 2e pilier bien inférieure à 1000 francs par mois. Elle resterait ainsi tributaire des prestations complémentaires. Autrement dit, l’« amélioration des rentes » n’aurait quasiment aucun effet pour les personnes à petits revenus, en réduisant d’autant leur droit aux prestations complémentaires.

C’est également ce que confirme le Centre de recherches conjoncturelles de l’EPFZ :

« Parmi les classes de revenus inférieures, les nouvelles rentes n’auraient aucun effet sur le revenu perçu à la retraite, puisque les prestations complémentaires diminueraient d’autant. Ainsi, ces personnes seraient tenues à l’avenir de cotiser à une caisse de pensions pendant toute leur vie active, sans jouir pour autant à la retraite d’une meilleure situation financière ».

(KOF EPF Zurich, Graff 2023:86, traduction USS)

Par exemple, les coiffeuses et les esthéticiennes

Dans ce secteur, 80% des employé-e-s sont des femmes. Les salaires restent généralement inférieurs à 5000 francs par mois pendant toute une carrière. Deux conséquences concrètes de la réforme dans la caisse de pension pour cette branche :

  • Pour 80 pour cent des salarié-e-s âgés plus de 50 ans au moment de la mise en place, la réforme coûte plus qu’elle ne rapporte
  • Les cotisations salariales par tête augmenteraient de 3 % pour tous les salarié-e-s – soit environ 150 francs de coûts supplémentaires par mois.
L’arnaque de la LPP : conséquences concrètes

(en francs par mois)

Les conséquences pour trois salaires exemplaires de personnes âgées de 50 ans, qui montrent l'ampleur de la perte de rente qui résulterait de la réforme de la LPP
Les conséquences pour trois salaires exemplaires de personnes âgées de 25 ans, qui montrent l'ampleur de la perte de rente qui résulterait de la réforme de la LPP

Les prix augmentent et tout devient plus cher. Contrairement à l’AVS, les rentes du 2e pilier ne sont pas adaptées au renchérissement. Sous l’effet de l’augmentation du coût de la vie, une rente LPP perd un bon quart de sa valeur en 20 ans.

Les retraité-e-s voient ainsi leur pouvoir d’achat chuter d’année en année. Il en va de même pour les personnes actives : si leur avoir de vieillesse n’est pas rémunéré au moins à hauteur du renchérissement, il se déprécie – donnant droit à des rentes plus faibles. La compensation du renchérissement dans le 2e pilier avait bien été promise à la population il y a plus de 50 ans, mais avec cette réforme de la LPP, le Parlement n’a rien fait dans ce sens.

Graphique montrant à quel point la perte de pouvoir d'achat s'accumule au fil des ans en raison de l'absence de compensation du renchérissement - jusqu'à 30 % !

Les réductions de rentes seront quelque peu atténuées pour les personnes qui prendront leur retraite au cours des quinze années qui suivent l’entrée en vigueur de la réforme. Et encore, au moins la moitié des personnes touchées – dont de nombreuses femmes – ne recevront aucune compensation. En effet, il faudra remplir des conditions strictes pour bénéficier des compensations prévues. Bien des femmes n’y auront pas droit, faute d’avoir été assurées pendant au moins quinze ans dans une caisse de pensions. Seules les rentes inférieures à 1000 francs par mois sont entièrement protégées et les personnes ayant épargné davantage s’exposent à des pertes de rentes brutales.

En outre, on voit parfois mal ce qui arriverait si la réforme était adoptée. On ignore en particulier comment les pertes de rentes seraient compensées en cas de divorce ou de retraite anticipée. Beaucoup de choses auraient encore besoin d’être précisées par le Conseil fédéral, et les tribunaux – après des années de procès. Avec cette réforme de la LPP, une ère d’insécurité maximale s’ouvrirait ainsi pour les femmes !

Mais ce n’est pas tout : tous les travailleurs et travailleuses devront passer à la caisse pour les compensations prévues et leurs lourdeurs bureaucratiques, qu’ils en bénéficient ou non. Seule une exception est prévue, en faveur des hauts revenus de plus de 150 000 francs par an. Les salaires plus élevés ne seront pas mis à contribution, comme en a décidé le Parlement.

De plus en plus de femmes exercent une activité professionnelle et sont assurées auprès d’une caisse de pensions. Mais beaucoup d’entre elles travaillent à temps partiel pour des raisons familiales et donc gagnent moins. Les partisan-e-s de la réforme de la LPP ne se lassent pas de répéter qu’elles seraient mieux assurées en cas d’adoption du projet. Or cet argument ne tient pas la route. Car 90 % des caisses de pensions ont déjà introduit une solution pour leur personnel à temps partiel. Et malgré tous ces efforts, la lacune dans les rentes reste inchangée. En particulier, les mères travaillant tout en ayant des tâches d’assistance n’obtiendront avec cette réforme aucune amélioration à la retraite. Car la garantie des prestations a été revue à la baisse pour chaque franc versé à l’avenir au 2e pilier. Et de nombreuses femmes cumulant plusieurs emplois, comme les mamans de jour et les femmes de ménage, continueront avec cette réforme de ne pas être affiliées à une caisse de pensions. Pire encore, dans les branches à bas salaires les employeurs redoubleraient de prudence avec les contrats pouvant donner accès au 2e pilier. Les rapports de travail précaires le seraient encore davantage !

Bien des gens se demandent donc à juste titre : où est passé tout l’argent que nous avons versé dans les caisses de pensions ? Un simple coup d’œil aux chiffres le montre : des caisses de pensions nagent dans l’argent et ont accumulé d’importantes réserves. Avec cette réforme, il nous faudrait payer encore plus, en échange de garanties revues à la baisse ; les caisses de pensions, les banques et les groupes d’assurances gagneraient ainsi encore plus d’argent !

La caisse de pensions coûte à chaque personne assurée, en frais administratifs, plus de 1400 francs par an. À elle seule, la gestion de fortune engloutit 6 milliards de francs par an. Même les experts en conviennent : il ne faudrait pas en faire autant. Le potentiel d’économies est donc gigantesque, aujourd’hui où l’industrie financière fait des affaires en or avec le 2e pilier. En bref, les assuré-e-s paient pour que leur caisse de pensions et ses gestionnaires gagnent confortablement leur vie.

Les compagnies d’assurances cherchent de même à maximiser leurs bénéfices avec les caisses de pensions : elles proposent surtout aux petites entreprises des solutions coûteuses et défavorables aux assuré-e-s. Ces 20 dernières années, les compagnies d’assurances ont ainsi gagné près de 9 milliards de francs avec nos cotisations aux caisses de pensions. Alors que les salarié-e-s ont toujours moins d’argent pour leur retraite.

La réforme de la LPP ne mettra pas fin à de telles pratiques. Il est choquant de voir qu’avec une telle « réforme », les caisses engloutiraient encore plus d’argent !

Évolution des coûts dans le 2e pilier

Évolution des frais de gestion de la fortune : doublement au cours des dernières années

Graphique qui montre que les coûts de la gestion de fortune des caisses de pension ont presque doublé - en quelques années.

Bénéfices des assurances liés aux cotisations aux caisses de pensions

(comparaison entre la méthode brute actuelle et la méthode nette, cumul)

Graphique montrant les bénéfices des assurances

Pour toutes ces raisons :
Non à l’arnaque de la LPP le 22 septembre !

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